samedi 3 janvier 2015

"À l'homme qui aimait les femmes"....

... mai aussi le cinéma.
Lorsque fleurirent il y a quelques mois aux portes des boutiques parisiennes mais aussi, en plus grande taille, sur les kiosques à journaux de la capitale, les affiches annonçant l'exposition sur François Truffaut à la Cinémathèque française, je souris aussitôt, mais n'envisageai pourtant pas de m'y rendre.

Ma rencontre avec le cinéaste remontre à très tôt, à mes années de lycée. Je tombai aussitôt sous le charme de ses films qui me firent vibrer intérieurement, me troublant profondément tant je trouvais de coïncidences entre les pensées, sentiments, désirs, penchants littéraires du jeune metteur en scène et les miens. Le fait qu'il ait vécu dans le même quartier que celui de mon enfance et de ma jeunesse (le IXème arrondissement ;  ah ! ce fameux Gaumont Palace, place de Clichy ), qu'il y ait tourné de nombreux films augmenta même cette sorte de complicité (certes à sens unique).
Je pense avoir vu aujourd'hui la quasi totalité de ses films, et certains, comme La nuit américaine plus d'une dizaine de fois. J'évitai cependant ceux plus tristes, plus graves et tragiques, voire angoissants, car s'approchant trop de la mort, comme L'amour en fuite, La chambre verte ou La femme d'à côté. Curieusement je fus moins sensible au Dernier métro, pourtant auréolé de gloire. J'adorai, on s'en doute, Fahrenheit 451 ainsi que celui qui fait le titre de ce billet.
Dans mes bibliothèques il y a au bas mot plus de dix ouvrages de lui, dont celui sur Hitchcock, celui de sa Correspondance. Mais également sur lui, ses films, livres souvent offerts par mes filles ou des proches qui connaissaient ma passion illimitée pour Truffaut. Et quand on arpente le couloir de mon appartement, on peut y découvrir d'un mur à l'autre des images de lui et de son double, Antoine Doinel, alias Jean-Pierre Léaud. Enfin, on sourira en apprenant que ma dernière fille s'appelle Laura...
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Oui, François Truffaut a fait partie de ma vie intime des années durant, au point de devenir une sorte de démiurge. Il m'a fasciné, et me fascine encore, m'a souvent profondément troublé au point qu'aujourd'hui, plus de trente ans après sa mort, la même année que Michel Foucault, j'appréhende de voir certains de ses films, d'écouter les musiques composées par George Delerue, Maurice Jaubert, Bernard Hermann (qui fut aussi le compositeur de nombreux films de Hitch). Une intense nostalgie m'envahit alors, peut-être le souvenir d'années de jeunesse révolues, la peur aussi d'être saisi par une émotion trop forte en revoyant des images puissantes, magnifiques, idéalisées.
Voilà pourquoi j'avais décidé de ne pas visiter cette exposition.

Ma fille aînée m'en parla la première, me poussant à m'y rendre, mais comprit mes réticences. Un peu plus tard, sa soeur cadette, qui avait baigné durant son enfance dans ces tourbillons truffaldiens au point d'avoir choisi le thème principal de La nuit américaine pour son mariage, sortant de l'exposition, m'engagea plus fermement à m'y rendre. Ce que je fis, en définitive, craignant de regretter plus tard de ne point y être allé.
Oui, je le reconnais, cette exposition est magnifique et mérite absolument d'être vue. Pourtant, ce que j'avais crains s'est réalisé ! La nostalgie ressentie fut si forte, l'émotion si grande que, dès l'entrée dans la première salle, je ne pus retenir mes larmes. Tout au long de ma visite, où je retrouvai cette complicité avec le cinéaste, les yeux embués mais qui me permettaient malgré tout de reconnaître les classiques Garnier de ma jeunesse (Balzac !!) et de re-découvir, mais en vrai cette fois, les nombreuses missives, plans de travail, brouillons pour des projets de titres, etc. que j'avais déjà vus au travers des livres bien rangés dans mes rayonnages, j'avançai d'un pas mesuré, les yeux souvent baissés, sauf pour regarder sur les murs des extraits de films, un mouchoir à la main...

François Truffaut, cet homme qui aimait les femmes, cet homme qui fit dire à Charles Denner dans le film éponyme cette phrase sublime et que j'aimerai mettre un jour en exergue d'un de mes livres :
"Les jambes des femmes sont comme des compas qui arpentent le globe terrestre en tout sens, lui donnant son équilibre et son harmonie".