lundi 29 février 2016

Vivre ses rêves

Qui n’a jamais eu envie d’aller au bout de ses rêves ?
                        Oui, jusqu’au bout. Le plus loin, loin possible !

Après avoir arpenté quatre décennies durant cette Terre ô combien magnifique, après avoir porté mes pas presque aux quatre coins de notre planète, tant vers l’est que vers l’ouest, le nord comme le sud, il me reste encore un rêve à réaliser, et non des moindres. Aller jusqu’aux derniers confins du globe, vers ces terres ultimes – du moins où il est permis d’aller –. Distantes de plus de 143 degrés du nord au sud, soit un peu plus de seize mille kilomètres en ligne droite, ces deux régions extrêmes se nomment Svalbard pour l’une et Péninsule Antarctique pour l’autre. Oui, un rêve fou, à peine croyable, mais devenu à présent une réalité. Enfant – je n’avais pas dix ans – je désirai ardemment devenir cosmonaute pour aller « marcher sur la Lune ». Hélas, bien vite, je dus déchanter, ma mère m’expliquant, alors que j’étais en larmes, qu’il ne fallait pas trop rêver et rester un brin réaliste ! Rêver… Mais, à défaut de notre satellite, je pourrais alors « marcher sur notre Terre » ?

Combiner sur une année l’approche du pôle Nord en allant fouler, durant le court été boréal, le vaste archipel du Svalbard et son île principale du Spitzberg, distants du pôle de mille trois cent kilomètres, dépassant ainsi les 78° degrés de latitude nord. Puis, attendant l’été austral, me diriger plein sud, prendre un bateau à Ushuaïa, en Terre de Feu, la ville la plus extrême de l’hémisphère sud, pour traverser le tumultueux Passage de Drake de façon à gagner la Péninsule Antarctique. Vu l’étendue de ce sixième continent et les conditions climatiques extrêmes qui y règnent, il n’est guère possible, à moins d’être chercheur ou scientifique, de s’aventurer au-delà du 65ème parallèle. Si j’ai depuis longtemps largement dépassé les 290° degrés d’est en ouest (ou vice versa), ces 143° degrés nord-sud ne sont sans m’impressionner.

Oui, vivre ses rêves !

Devant moi, tandis que le printemps approche, j’ai de belles semaines avant le premier départ, plusieurs mois avant le second, pour imaginer ce que vont que me révéler ces territoires réputés hostiles, froids, mais surtout, pour le passionné de paysages que je suis, 100% minéral ! Car j’ai une réelle et entière – folle diront certains – attirance pour les décors vides, désolés, austères, ces étendues planes ou montueuses où la matière règne en maîtresse absolue. Déserts de sable, de cailloux ou de roches, dunes fascinantes que l’on désire ardemment gravir pour embrasser ensuite des horizons sans fin. Hauts massifs aux sommets majestueux couverts de neige immaculée où de gigantesques glaciers blancs-bleutés s’accrochent avec autant de noblesse que d’arrogance. Cols réputés infranchissables mais à l’approche desquels des pistes sinueuses, défiant le vide, vous ouvrent de nouveaux panoramas  encore plus fabuleux. Tout cela je l’ai vu, revu, m’en suis gorgé jusqu’à plus soif mais sans jamais m’en sentir blasé, non, jamais. L’ivresse de ces infinis tant horizontaux que verticaux où règnent en majesté la matière brute, le sable blond ou gris, les neiges et les glaces aux teintes iridescentes, ces mondes le plus souvent immobiles et silencieux n’ont cessé depuis mon enfance de m’attirer, de m’émerveiller, de me subjuguer.

Comme il est bon de rêver…et de partager ses songes.