dimanche 9 octobre 2016

La vie… d’un touriste.

Ce grand écrivain, dont la vie remonte à plus d’un siècle et demi, ne m’avait pas laissé un émouvant souvenir lorsque je dus étudier, des mois durant, au lycée Condorcet à Paris, l’une de ses œuvres majeures et il s’était peu à peu enfoui au plus profond de ma mémoire.
Tiens, mémoire… (avec ou sans s ? Un indice ?)

Dès sa sortie en 1966, déjà sous le charme ensorcelant des films de François Truffaut, j’allai voir Fahrenheit 451 (nouvel indice !). À la fin du film, on se retrouve dans une forêt, isolée de la ville moderne où les livres sont interdits et donc brûlés. Là, vivent des hommes et des femmes qui sont peu à peu devenus des hommes-livres, apprenant par cœur, et les récitant sans cesse, des ouvrages de façon à ce qu’ils ne tombent pas dans l’oubli. Le réalisateur fait ensuite progresser sa caméra de l’un à l’autre, chacun déclinant son identité sous la forme du livre qu’il représente. Longtemps je fus intrigué par le titre de l’un d’eux, ignorant pour quelle raison l’auteur de la future et admirable Nuit américaine l’avait choisi : Vie de Henry Brulard.
Le voile est désormais levé ! L’écrivain mystérieux est démasqué : le grand Stendhal, Henry Beyle, ou encore Henry Brulard, l’auteur de Le Rouge et le Noir du lycée.

J’ignorais il y a peu de temps encore qu’il avait écrit Mémoires d’un touriste. Sans doute avais-je retenu le titre au détour d’un de ces nombreux livres qui ne cessent de m’accompagner lors de mes virées un peu partout sur la planète. Je finis donc par me le procurer, le débutant dans l’avion  qui m’emmenait vers le Svalbard en juin dernier. Malgré son épaisseur il me fallut moins de deux mois et demi pour le dévorer, tant je pris un plaisir intense à sa lecture. Oh, n’allez pas vous imaginer des destinations lointaines ! Non, ce touriste, certes un peu particulier, nous emmène en France, tout simplement. Mais que de découvertes, que de richesses au fil des pages. Je n’en citerai que deux, car elles m’ont particulièrement marquées. Celle de Nantes, que l’écrivain de La Chartreuse de Parme a manifestement aimé parcourir à pied, et Beaucaire en pleine période de foire.

« Réconcilié » avec cet auteur à la personnalité déconcertante et insaisissable, mais au romantisme particulièrement sensible, je ne pouvais que continuer avec la Vie de Henry Brulard, autobiographie quasiment psychanalytique avant la lettre, inachevée, écrite sur le tard à plus de cinquante ans et qui ne sera publiée que longtemps après sa mort. Mon bonheur fut non moins égal, et quatre petites semaines me suffirent pour découvrir une personnalité troublante mais aussi les premières années de vie de l’écrivain qui comptèrent tant par la suite. Tout s’éclaira également quant au choix de ce titre par François Truffaut, comme si le réalisateur avait voulu par là régler quelques comptes avec son enfance, leur vécu à l’un comme à l’autre s’inscrivant en clair dans leurs œuvres.

« Le hasard a fait que j’ai cherché à noter les sons de mon âme par des pages imprimées » (Vie de Henry Brulard)