En cherchant bien, sur
un planisphère (à condition qu’il descende assez bas !) ou alors sur une
mappemonde, vous parviendrez sans doute à localiser, au moyen des coordonnées
géographiques ci-dessus, l’île Pléneau…
Pléneau, du nom de l’un
des membres de l’état-major du Français,
bâtiment commandé par Jean-Baptiste Charcot qui entreprit une expédition vers
le pôle sud en 1904-1905. Cette petite île est située à proximité du cercle
polaire antarctique.
Après m’être approché en
juin dernier du pôle nord, découvrant l’archipel du Svalbard, j’avais déjà
décidé de me rapprocher de son opposé, durant l’été austral, sans toutefois en
être aussi près, ce genre d’expédition étant en général exclusivement réservée
aux scientifiques. Mais aborder la péninsule Antarctique me semblait être déjà
une extraordinaire aventure.
Celle-ci est désormais
à portée de main. Dans deux semaines, après de nombreuses heures d’avion,
gagnant Buenos-Aires puis Ushuaia, la ville la plus extrême de l’hémisphère
sud, je pourrai monter à bord du navire qui s’aventurera dans le périlleux et
mouvementé Passage de Drake. Passé les Îles Shetland du sud, il dirigera alors
son étrave vers la pointe nord de la péninsule, face à la mer de Weddell,
longeant ensuite sur plusieurs milles la côte ouest jusqu’à cette île
minuscule, le point austral le plus extrême que j’aurai pu atteindre.
Depuis Paris, pas moins
de 14 300 kilomètres. Mais, depuis Pyramiden, cette ville fantôme du
Svalbard située par 78°41’ nord, ma plus haute latitude, la distance est alors
de 17 650 kilomètres…
Ces deux lieux
extrêmes, qui matérialiseront les bornes de mon univers connu, seront les pivots du livre que
j’ai entrepris d’écrire et dont la première partie, celle consacrée au Svalbard,
est à présent achevée. Vais-je revenir aussi désemparé, perturbé,
troublé ? Vais-je atteindre là aussi une limite à ne plus désirer
franchir ? Je ne le sais encore. Mais, à lire les récits des grands
explorateurs du début du XXème siècle, véritables aventuriers qui étaient loin
de disposer du matériel et de l’équipement que nous possédons aujourd’hui, tous
animés d’une volonté de fer et d’un véritable feu sacré, les Shackleton,
Charcot, Nordenskjöld, Ross ou encore Amundsen, on ne peut que rester muet d’admiration
devant leurs prouesses, leur inépuisable énergie, leur bravoure sans limite,
eux qui jamais n’ont douté. Les quelques lignes ci-dessous, outre un hommage à
leur mémoire, ont été pour moi une des raisons qui m’ont poussé à vouloir
partir, d’une façon certes bien plus confortable, vers ces univers figés et
englacés qui ne cessent de m’attirer et qui les ont tant attirés et fascinés
eux aussi.
« De tous côtés des terres blanches,
décolorées, coupées d’ombres fauves ; l’impression d’un fragment de lune
tombée à la surface de l’océan, et dont le sommet émergeait. » (Otto
Nordenskjöld, Vingt-deux mois dans les glaces,
Paulsen, 2013, p.38)
« Un paysage étrange. Un sol déchiré de
profondes crevasses ; au-dessus, des murs de rochers hérissés de tours et
de gigantesques blocs qui ont l’air de sphinx préposés à la garde de cette
solitude énigmatique. Nulle part trace de végétation, pas le moindre atome de
terre ou de sable. Rien que des rochers arides et des nappes de cailloux
agglomérés comme un macadam par le souffle puissant et inlassable des ouragans. »
(Ibid. p.66)
« La nuit est splendide, calme et froide. (…)
La lune brille, merveilleuse, et les étoiles se détachent comme des parcelles
en fusion blanche et froide. Tout ce qui m’environne paraît un morceau détaché
de l’astre même qui l’éclaire ; des glaces et de la mer, de la neige et
des montagnes semble sortir cette lumière divine, irradiation mystérieuse,
auréole pure et froide d’une région céleste. Et les icebergs et la mer, et les
grandes montagnes et les rochers et la lune et les ombres elles-mêmes sont des
divinités puissantes, larges, calmes, majestueuses dans le néant. »
(J.B. Charcot, Le Français au Pôle Sud,
Librairie José Corti, 2006, p.131)
« D’où vient donc l’étrange attirance de ces
régions polaires ? (…) D’où vient le charme inouï de ces contrées pourtant
désertes et terrifiantes ? Est-ce le plaisir de l’inconnu ? »
(Ibid. p.294-5)
Trouverais-je là-bas, «
en bas », les réponses à ces mêmes questions… ?
Une webcam, régulièrement mise à jour, existe à
la station américaine Palmer, située
légèrement plus au nord de l’île Pléneau. Elle donne un bon aperçu du paysage
en temps réel.