dimanche 18 février 2018

HTPS

Il était temps de rompre cette trop longue période de silence ! Ce nouveau billet en sera le prétexte ; mes lectures, actuelles ou passées, constitueront une nouvelle fois le fil conducteur de ces quelques lignes.

HTPS. Nom de code ? Que nenni ! Pas plus que le moyen de se connecter à un lien hypertexte ! Non, tout simplement une sorte de porte ouverte sur le savoir historique, sur « l’occident en train de se faire » et qui a été magistralement décrit par certaines des plus grandes figures de l’Antiquité. Témoins oculaires, racontant ce qu’ils ont vu, vécu même parfois, ou rapportant des faits qui leur furent relatés, avec certes plus ou moins de fidélité, ces grandes figures nous ont laissé des écrits qui, encore aujourd’hui, forcent l’admiration tant ils permettent de nous projeter dans un passé lointain remontant à plusieurs siècles avant notre ère. Malheureusement, tous ces écrits ne nous sont pas parvenus dans leur intégralité, les affres du temps comme les conditions de conservation ayant eu raison de leur état et ils demeurent à jamais perdus. Mais ceux qui nous restent constituent un formidable héritage dans lequel nous pouvons puiser à loisir pour nous faire une idée de l’état du monde connu à cette époque, cet occident qui se construisait.

Ces quatre géants que je vais évoquer brièvement ne sont bien entendu pas les seuls à nous avoir laissé de pareils témoignages. Mais ils furent sans aucun doute les premiers à raconter, pour les transmettre aux générations suivantes, leur formidable moisson, tant historique que géographique. En ce sens, on peut les traiter d’« initiateurs », de défricheurs. La lecture de leurs vastes ouvrages, en ce XXIème siècle encore naissant, ne peut que nous inciter à davantage d’humilité face à la manière dont le monde contemporain évolue, comme à mieux réfléchir sur l’état du monde de jadis comparé à celui dans lequel nous évoluons quotidiennement.
Mais il est temps de dévoiler ces mystérieux HTPS !

- Hérodote (– 480 à – 425 avant JC). Considéré comme le Père de l’Histoire.
Ces Enquêtes (historiae en latin) forment un récit exceptionnel, d’une richesse inouïe et font de leur auteur l’un des précurseurs de l’histoire universelle. Mais il est aussi (car, comme n’a cessé de le répéter Paul Veyne, la géographie est indissociable de l’histoire, « de la comparaison naît la lumière »[1]) l’un des premiers géographes. Lire les Enquêtes c’est partir pour une folle aventure qui emmène le lecteur, vite passionné, vers les limites extrêmes du monde connu de l’époque, tant vers l’est (l’Asie, jusqu’aux portes de l’Inde), l’ouest, le nord (les territoires boréens) que vers le sud, le continent africain que l’on nommait Libye.

- Thucydide (– 460 à env. – 397 avant JC). A la fois historien et homme politique.
 L’auteur de la fameuse Guerre du Péloponnèse qui se déroula sur un peu moins d’une trentaine d’années et opposa les deux grandes cités rivales, Athènes et Sparte. Relatant ce long conflit avec un souci extrême de l’exactitude et donc du détail, Thucydide apparaît comme un historien majeur. Si l’on peut à juste titre se passionner pour les aventures et les descriptions relatées par Hérodote, il ne faut pas se laisser impressionner par la taille de son ouvrage. Car il se lit, se dévore même oserai-je écrire, avec une égale passion. Au point que vingt ans après une première lecture j’eus envie, comme avec le natif d’Halicarnasse, de me plonger à nouveau dans ce formidable récit dont bien des épisodes sont encore aujourd’hui dans les mémoires (ceux de Marathon, des Thermopyles, de Platée ou encore de Mégare pour ne citer que les plus connus).

- Polybe (env. – 206 à env. – 124 avant JC) Autre grand historien grec, après Hérodote et Thucydide. Il est le grand historien de la conquête romaine.
Il est à l’origine de ce présent billet ! Je n’ai encore parcouru, à ce jour, que deux cent pages de son imposante Histoire qui en comporte, dans l’édition Gallimard de 2003, notes comprises, près de mille cinq cent ! Le voir cité plusieurs fois dans les écrits du personnage suivant, mais également dans bon nombre d’autres ouvrages, contemporains ou non, me donna envie de partir à sa découverte. Mais déjà, quelle richesse, que de détails dans les combats entre les Romains et les Carthaginois, que de références géographiques précises qui font également de lui un grand géographe !
Ainsi, peu à peu, s’était formée dans mon esprit une image passablement précise et vivante de ces époques reculées que, plus jeune, je mélangeai allègrement, aussi bien en termes de géographie que d’histoire. Car, il faut bien l’admettre, l’enseignement que l’on nous dispensait, écolier, puis collégien,  lycéen enfin, était loin d’être aussi vivant que toutes les pages de ces illustres anciens !

- Strabon (– 64 avant JC à 25 de notre ère) Géographe grec auteur de la Géographie.
Son œuvre, vaste et amplement détaillée, comporte dix-sept livres. Les éditions des Belles Lettres en ont fait une publication remontant sur plusieurs dizaines d’années, édition de qualité, généreusement annotée, avec cartes détaillées… et bilingue. Il m’aura fallu un peu plus de six années, sans me presser car je tenais à les savourer, pour lire tous les tomes ! La lecture fut là aussi passionnée, n’hésitant pas à me munir de cartes contemporaines pour suivre les descriptions de Strabon. Il utilisa de nombreuses sources, dont celles de Polybe, Ératosthène, de Posidonius, d’Arthémidore ou encore d’Aristobule.
Strabon reste pour moi, à ce jour, un compagnon de voyage unique qui m’a ouvert un vaste champ de recherches. Il a amplement élargi, si elle pouvait encore l’être, ma curiosité. Il est indéniable que certains des pays où je me suis rendu ces dernières années ont été inspirés par la découverte de ces pages foisonnantes.



[1] Comment on écrit l’histoire, Éditions du Seuil, 1971.