Il
était temps de rompre cette trop longue période de silence ! Ce nouveau
billet en sera le prétexte ; mes lectures, actuelles ou passées,
constitueront une nouvelle fois le fil conducteur de ces quelques lignes.
HTPS.
Nom de code ? Que nenni ! Pas plus que le moyen de se connecter à un
lien hypertexte ! Non, tout simplement une sorte de porte ouverte sur le
savoir historique, sur « l’occident en train de se faire » et qui a
été magistralement décrit par certaines des plus grandes figures de l’Antiquité.
Témoins oculaires, racontant ce qu’ils ont vu, vécu même parfois, ou rapportant
des faits qui leur furent relatés, avec certes plus ou moins de fidélité, ces
grandes figures nous ont laissé des écrits qui, encore aujourd’hui, forcent
l’admiration tant ils permettent de nous projeter dans un passé lointain
remontant à plusieurs siècles avant notre ère. Malheureusement, tous ces écrits
ne nous sont pas parvenus dans leur intégralité, les affres du temps comme les
conditions de conservation ayant eu raison de leur état et ils demeurent à
jamais perdus. Mais ceux qui nous restent constituent un formidable héritage
dans lequel nous pouvons puiser à loisir pour nous faire une idée de l’état du
monde connu à cette époque, cet occident qui se construisait.
Ces
quatre géants que je vais évoquer brièvement ne sont bien entendu pas les seuls
à nous avoir laissé de pareils témoignages. Mais ils furent sans aucun doute les
premiers à raconter, pour les transmettre aux générations suivantes, leur
formidable moisson, tant historique que géographique. En ce sens, on peut les
traiter d’« initiateurs », de défricheurs. La lecture de leurs vastes
ouvrages, en ce XXIème siècle encore naissant, ne peut que nous inciter à
davantage d’humilité face à la manière dont le monde contemporain évolue, comme
à mieux réfléchir sur l’état du monde de jadis comparé à celui dans lequel nous
évoluons quotidiennement.
Mais
il est temps de dévoiler ces mystérieux HTPS !
- Hérodote (– 480
à – 425 avant JC). Considéré comme le Père de l’Histoire.
Ces Enquêtes (historiae en latin) forment un récit exceptionnel, d’une richesse
inouïe et font de leur auteur l’un des précurseurs de l’histoire universelle.
Mais il est aussi (car, comme n’a cessé de le répéter Paul Veyne, la géographie
est indissociable de l’histoire, « de la comparaison naît la
lumière »[1])
l’un des premiers géographes. Lire les Enquêtes
c’est partir pour une folle aventure qui emmène le lecteur, vite passionné,
vers les limites extrêmes du monde connu de l’époque, tant vers l’est (l’Asie,
jusqu’aux portes de l’Inde), l’ouest, le nord (les territoires boréens) que
vers le sud, le continent africain que l’on nommait Libye.
- Thucydide (– 460
à env. – 397 avant JC). A la fois historien et homme politique.
L’auteur de la fameuse Guerre du Péloponnèse qui se déroula sur un peu moins d’une
trentaine d’années et opposa les deux grandes cités rivales, Athènes et Sparte.
Relatant ce long conflit avec un souci extrême de l’exactitude et donc du
détail, Thucydide apparaît comme un historien majeur. Si l’on peut à juste
titre se passionner pour les aventures et les descriptions relatées par
Hérodote, il ne faut pas se laisser impressionner par la taille de son ouvrage.
Car il se lit, se dévore même oserai-je écrire, avec une égale passion. Au
point que vingt ans après une première lecture j’eus envie, comme avec le natif
d’Halicarnasse, de me plonger à nouveau dans ce formidable récit dont bien des
épisodes sont encore aujourd’hui dans les mémoires (ceux de Marathon, des
Thermopyles, de Platée ou encore de Mégare pour ne citer que les plus connus).
- Polybe (env. –
206 à env. – 124 avant JC) Autre grand historien grec, après Hérodote et
Thucydide. Il est le grand historien de la conquête romaine.
Il est à l’origine
de ce présent billet ! Je n’ai encore parcouru, à ce jour, que deux cent
pages de son imposante Histoire qui
en comporte, dans l’édition Gallimard de 2003, notes comprises, près de mille
cinq cent ! Le voir cité plusieurs fois dans les écrits du personnage
suivant, mais également dans bon nombre d’autres ouvrages, contemporains ou
non, me donna envie de partir à sa découverte. Mais déjà, quelle richesse, que
de détails dans les combats entre les Romains et les Carthaginois, que de
références géographiques précises qui font également de lui un grand
géographe !
Ainsi, peu à peu,
s’était formée dans mon esprit une image passablement précise et vivante de ces
époques reculées que, plus jeune, je mélangeai allègrement, aussi bien en
termes de géographie que d’histoire. Car, il faut bien l’admettre, l’enseignement
que l’on nous dispensait, écolier, puis collégien, lycéen enfin, était loin d’être aussi vivant
que toutes les pages de ces illustres anciens !
- Strabon (– 64
avant JC à 25 de notre ère) Géographe grec auteur de la Géographie.
Son œuvre, vaste
et amplement détaillée, comporte dix-sept livres. Les éditions des Belles
Lettres en ont fait une publication remontant sur plusieurs dizaines d’années,
édition de qualité, généreusement annotée, avec cartes détaillées… et bilingue.
Il m’aura fallu un peu plus de six années, sans me presser car je tenais à les
savourer, pour lire tous les tomes ! La lecture fut là aussi passionnée,
n’hésitant pas à me munir de cartes contemporaines pour suivre les descriptions
de Strabon. Il utilisa de nombreuses sources, dont celles de Polybe, Ératosthène, de Posidonius, d’Arthémidore ou encore d’Aristobule.
Strabon reste pour
moi, à ce jour, un compagnon de voyage unique qui m’a ouvert un vaste champ de
recherches. Il a amplement élargi, si elle pouvait encore l’être, ma curiosité.
Il est indéniable que certains des pays où je me suis rendu ces dernières
années ont été inspirés par la découverte de ces pages foisonnantes.