samedi 2 mai 2015

Passé recomposé.

"Sur les plages de l'histoire les vagues de souvenirs anciens ont dessiné des arabesques d'argent où se reflètent les mirages de l'avenir."

Il est des voyages qui s'apparentent à des remontées dans le temps. Celui que je viens d'accomplir est de ceux-ci, sans pour autant qu'il m'ait été besoin de partir loin... sauf en nombre d'années, un demi-siècle !
Il y a longtemps que je désirais remettre le pied sur cette île de l'Atlantique, Oléron. En 1954, mes parents nous y emmenèrent en vacances, ma sœur et moi, probablement conseillés en ce sens par nos nos nouveaux voisins, ceux qui logeaient juste au-dessus de l'appartement parisien dont nous avions pris possession à peine deux ans plus tôt. Le Logis des Dunes, dans le petit bourg de Domino au nord-ouest de l'île, à quelques centaines de la plage et de ses dunes sauvages, nous accueillit deux étés durant. Puis nous nous rapprochâmes de ces voisins qui possédaient une antique et typique demeure, sans trop de confort, dans le tout petit village de Chaucre situé à deux kilomètres. Là, des années durant, en été, comme aux vacances de Pâques, nous revînmes souvent. Là, des souvenirs - et quels souvenirs ! - vinrent se constituer, s'accumuler, s'engranger dans ma petite tête de gamin qui n'avait pas encore dix ans.

Ils étaient donc là ces souvenirs empilés, plutôt bien rangés, certains encore vivaces, d'autres ne nécessitant que le petit coup de pouce, la madeleine proustienne (le hasard d'ailleurs faisant qu'au même moment j'avais entrepris de relire l'oeuvre du grand écrivain qui m'avait déjà tant enchanté dès mes dix-sept ans), pour être réactivés. Je retrouvai ainsi sans difficulté cette "Maison Pantalon", si photographiée depuis et dont les multiples clichés ont fait le tour du monde, ayant même la chance de la retrouver habitée en cette période de vacances par le fils de nos voisins qui me reconnut aussitôt. Mais aussi le Logis des Dunes, hélas en totale décrépitude, délabré et tagué, toujours tristement debout. Enfin, ces plages immenses, bordées de dunes sur lesquelles j'aimais tant grimper puis, une fois le sommet atteint, me jeter dans le vide - de quelques mètre seulement ! -, face à l'océan aux teintes inégalées. Parcourir aussi, tel un trappeur, ces forêts de pins et de taillis de chênes verts, montant aux arbres, imaginant et vivant plein d'aventures. Arpentant sous un soleil généreux, tandis que la mer se retirait, ces plages sans fin, j'avais l'impression ô combien étrange que la grève blonde qui se découvrait peu à peu laissait progressivement émerger tous ces riches et lointains souvenirs.
En fin de journée, l'émotion gagna un cran lorsque, grâce à ce voisin ami à qui j'en évoquai le souvenir que je croyais pourtant à jamais enfoui, je pus retrouver cette femme qui, cinquante ans plus tôt, avait été sollicitée par ma mère. Elle lui avait proposé de venir s'installer chez nous, comme "nounou" dirions-nous aujourd'hui, car notre jeune frère allait naître. Elle resta dans l'appartement plus de deux ans. Elle s'appelait Madeleine. Elle me reconnut sans trop de difficulté, tout comme moi. Elle avait gardé son joli visage malgré ses rides. Elle allait fêter avant l'été ses quatre-vingts ans...

Oui, quelle remontée dans le temps. Qui sait, peut-être, matière à écrire un petit récit, où je reprendrais également ceux, non moins riches, de mes longs séjours chez ma grand-mère paternelle dans le petit village du Châble, au pied du Salève, à deux pas de Genève ? Si Oléron me donna sans doute le goût, l'amour immodéré du sable, des dunes, des futurs déserts, Le Châble me rendit amoureux à tout jamais de la roche, de la montagne. Probablement faut-il trouver dans ces deux endroits magiques les deux creusets fondamentaux qui me firent partir des dizaines d'années plus tard vers les étendues désolées mais ô combien fascinantes d'Asie centrale et, plus récemment, de cet inoubliable pays des extrêmes, le Chili.

"Sur les plages de l'histoire, les vagues de souvenirs anciens..."


lundi 6 avril 2015

Des Neurones enchantés à L'Art de la fugue.

Voilà un titre bien étrange, j'en conviens, mais on sait également que l'on peut s'attendre à tout venant du signataire !

Un récent article paru dans Cerveau Psycho, magazine bimestriel particulièrement intéressant, porte à ma connaissance un livre, j'ai presque envie d'écrire une "partition à six mains", paru chez Odile Jacob et dont le titre constitue la première partie de ce billet. Plusieurs indices ont contribué à attirer mon attention. Le mot neurone bien sûr, suite aux nombreux cours de Stanislas Dehaene souvent évoqués sur ce blog. Le sous-titre du livre également Le cerveau et la musique, quand on peut savoir à quel point la musique fait partie de ma vie, et ce depuis l'âge de mes dix ans lorsque l'on m'offrit pour Noël mon premier électrophone accompagné d'un microsillon, Le carnaval des animaux de Saint-Saens, qui fut suivi de dizaines et de dizaines d'autres, achetés, offerts ou provenant d'une discothèque municipale. La musique m'est indispensable et sans elle j'aurais l'impression que le monde est bancal, dénué de sens, privé d'émotion, terne.
Les auteurs également, principalement l'un d'eux, dont j'avais déjà lu beaucoup d'ouvrages, certes complexes (mais auxquels je finis par m'accoutumer, reliant entre eux les différents enseignements puis finissant par les acquérir), Jean-Pierre Changeux, éminent neurobiologiste, professeur honoraire au Collège de France et qui fut le maître de Stanislas Dehaene. Puis Pierre Boulez, quatre-vingt dix ans depuis peu, chef d'orchestre, compositeur, fondateur de l'Ircam, et qui a occupé lui aussi une chaire au Collège de France. Philippe Manoury enfin, compositeur et professeur émérite de l'Université de Californie à San Diego.

Inutile de dire que ce livre m'a fort intéressé, même si je dois reconnaître que ma méconnaissance totale de la technique musicale et de termes comme harmonie, hauteur de notes, intervalles, accords et tant d'autres plus ou moins savants m'ont empêché de tout saisir des propos des deux musiciens. J'ai également été très attiré par la notion de genèse d'une oeuvre artistique, qu'elle soit musicale, du domaine de la peinture et surtout, alors que je viens tout juste de terminer mon livre, de celui de la littérature. La première page de ce livre est d'ailleurs remplie d'annotations et de renvois. J'en citerai quelques uns :
- Le cerveau est constamment actif, même au repos.
- Le travail du créateur, ce "bricolage" d'objets mentaux anticipant la réalisation de l'oeuvre.
- On ne fait rien d'autre que de puiser dans sa mémoire.
- Ce moment initial de l'invention est celui qui demeure sauvage, imprévu. (Pierre Boulez)

Quant à L'Art d la fugue ? Si ma mère nous habitua très tôt à appréhender ce grand compositeur, elle qui d'ailleurs participa à de nombreuses chorales notamment à Chaillot, je dois avouer que je ne pus saisir la grandeur incomparable de son oeuvre qu'au début de mon âge adulte. Mieux. Ce fut au travers du génial Glenn Gould que je fus capable d'en savourer enfin toute l'immensité. J'écoute régulièrement les Variations Goldberg, ainsi que d'autres pièces pour piano et suis en mesure de reconnaître presque à coup sûr le pianiste canadien. J'avais, dans le passé, été fort intrigué par un film passé sur Arte et traitant des origines du temps et dont les acteurs principaux tenaient les rôles de Stephen Hawking, Roger Penrose, ainsi que ceux de Penzias et Wilson qui furent à l'origine de la découverte du fond diffus cosmologique. Au début, Penrose nous fait écouter L'Art de la fugue, dont le dernier morceau s'arrête net, ce qui intrigua et intrigue encore beaucoup de monde.
Curieusement, le livre dont je viens de parler débute avec une évocation de cette oeuvre inachevée. Je n'ai pas tarder à me la procurer, et depuis deux jours, je ne cesse de l'écouter, tout en écrivant ou en lisant. Je ressens une véritable jouissance au niveau de mes neurones !

lundi 30 mars 2015

Le temps d'écrire ; un temps pour écrire.

Débuté en décembre 2014, le nouveau livre que j'écris actuellement - et qui sera le septième depuis 2010, qui aurait pu imaginer cela au départ ! - touche à sa fin. Je vais en entamer le dernier chapitre, celui consacré à Rapa Nui, autrement dit l'île de Pâques.
Pour être tout à fait franc, je l'avais commencé avant le départ, en octobre, comme cela m'arrive souvent de le faire lorsque je m'apprête à faire un nouveau voyage. En effet, un fois arrivé sur place, je risque, presque à coup sûr, de ne plus être capable de me souvenir de la façon dont j'imaginais le pays "avant", c'est-à-dire tel que je me le représentais, le rêvais, l'idéalisais même. Il importait donc que je laisse une trace préalable de ma représentation du Chili, tout comme de de l'île de Pâques, avant que l'un comme l'autre ne soient définitivement recouverts par les images réelles.

Durant tous ces mois j'ai donc passé beaucoup de temps à écrire. Le jour - jusqu'à six heures d'affilée ! - parfois la nuit, lors d'insomnies qui me faisaient nettement comprendre qu'il était temps que j'aille chercher mon ordinateur pour retranscrire sur l'écran toutes ces phrases que je composais mentalement et que je risquais de ne plus retrouver à l'identique le lendemain matin. Ce qui ne faisait d'ailleurs que me confirmer une fois de plus l'immense capacité d'activité inconsciente de notre cerveau.
Ce temps d'écrire m'empêchait donc de consacrer du temps pour écrire, pour écrire ces billets qui, depuis plus de sept mois désormais, viennent alimenter ce blog. Certes, je ne suis pas resté muet pendant toute cette période, mais ces dernières semaines, davantage accroché, captivé par l'écriture de ce livre en devenir, je suis conscient d'une certaine "absence" !

Mais il faut aussi avouer combien cette phase de création est exaltante à plus d'un titre. Combien est fort, puissant, magnétique ai-je envie de dire, ce moment où je m'assois enfin à ma table ! Combien est étonnante, stupéfiante cette conjugaison de l'activité mentale, celle de mon cerveau, et celle, purement physique, mécanique de mes doigts qui frappent sur les touches, engendrant ces phrases qui viennent se former presque toutes seules sur l'écran ! Je ne cesse, et ne cesserai jamais d'être en admiration devant ce processus de création, de génération, comme s'il existait, perception toute récente, deux individus, lui et son double, l'un simple acteur, l'exécutant, l'autre, à la fois invisible mais indispensable, à l'origine du texte, de sa composition en phrases, en paragraphes, maître de sa musique, de son rythme, rendant le tout parfaitement et magnifiquement cohérent.

On pourra donc comprendre que je ne puisse parvenir à me libérer de cette folle passion qui m'étreint, craignant trop de perdre le fil du récit qui se construit, s'élabore au fur et à mesure. D'autant qu'une fois que je cesse d'écrire, souvent épuisé mais pleinement heureux, la tête fiévreuse, il ne m'est plus guère possible de venir composer, comme ici cette nuit, un autre texte.
Pourtant, comme pour me faire mentir, force est de constater que ce petit billet nocturne est quand même parvenu à voir le jour. Je n'en suis que plus heureux, humblement, vis à vis de mon (ou mes) lecteurs anonymes !


samedi 14 février 2015

Jouissance cérébrale et intellectuelle

Sans doute quelques journées, pas forcément ensoleillées, sur le belles pentes neigeuses d'une jolie station savoyarde, ont-elles contribué à aérer, décongestionner mes neurones et autres liaisons synaptiques !

Le fait est que depuis mon retour vers la capitale, j'ai vécu de bons, riches et intenses moments.
Il y eut d'abord cette conférence du CNAM à Paris, que j'avais loupée, mais que je ne voulais à aucun prix manquer et que j'ai pu voir en vidéo sur le site de cette vénérable institution. Je n'en connaissais pas l'intervenant, mais le sujet qu'il abordait, les univers multiples ou multivers, me passionnait depuis longtemps. Très à l'aise dans la façon de s'exprimer, Aurélien Barrau, jeune quadragénaire au cheveux longs, est professeur à l'université Joseph Fourrier de Grenoble et chercheur au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie au CNRS. J'eus rapidement la grande satisfaction de constater que vingt années de lectures, conférences, cours au Collège de France sur ces deux piliers de la physique contemporaine que sont la cosmologie et la physique quantique, avaient porté leurs fruits et que je n'étais pas si perdu que cela dans ces domaines malgré tout assez complexes. La verve et l'élocution brillante d'Aurélien Barrau, largement partagées par l'auditoire, eurent quelques points forts qui me comblèrent à l'image de deux suivants que je vais évoquer brièvement.

D'abord, il nous est impossible de voir notre Univers au-delà d'une certaine distance, cette limite étant de nature physique et non pas technique. Intervient là la notion d'horizon cosmologique. De la même manière que l'on regarde l'horizon sur une plage, il nous est possible de voir plus loin si l'on se hisse sur le mat d'un bateau, ou si l'on monte au sommet d'une montagne qui borderait cette mer. Mais on aura beau monter encore plus haut, il y aura un moment où, quoi que l'on fasse, on ne pourra voir au-delà de la courbure de la terre. Comme le conférencier le faisait judicieusement remarquer, même avec la meilleure longue vue, et si haut soit-on sur la côte atlantique, on ne verra jamais le Cap Horn ! Le raisonnement est identique pour l'horizon cosmologique et la distance la plus éloignée que nos plus puissants télescopes permettent de "voir" est de dix milliards d'année-lumière (faites le calcul en prenant la vitesse de la lumière en kilomètres par seconde, ça fait beaucoup !) Comme l'écrit l'auteur dans son livre "Des univers multiples" publié chez Dunod en 2014, "L'Univers est extraordinairement grand ! Il est absolument gigantesque (...) Il est donc vraisemblablement beaucoup, beaucoup plus grand que ce qui est observable. Mais est-il infini pour autant ? Ce n'est pas acquis..."

Changeons d'échelle et intéressons-nous brièvement à la notion du fameux Big Bang. Que de fois n'ai-je pas été interpellé sous la forme de cette question : "Mais qu'y avait-il avant le Big Bang ?" Presque -trop même- naïvement, je répondais que cette question n'avait aucun sens, laissant mon interlocuteur sur sa faim, me demandant même s'il ne doutait pas des connaissances que j'avais acquisses depuis des années ! Mais lorsque Aurélien Barrau évoqua devant l'assistance cette même interrogation, sa réponse fut identique. Mieux, il en donna une image que je suis heureux de reproduire ici même et qui devrait clore ce stérile débat. Imaginez, disait-il, un explorateur qui arrive au pôle Nord et à qui l'on pose la question : "Mais qu'y a-t-il au nord du pôle Nord ?" Cette question vous en conviendrez, n'a aucun sens et est du même ordre que celle concernant l'avant du Big Bang.

Autre moment fort de la semaine, le cours de Stanislas Dehaene, titulaire de la chaire de psychologie expérimentale au Collège de France et dont je suis les cours avec passion depuis plusieurs années. Le thème du cours de cette année est Fondements cognitifs des apprentissages scolaires. En tant que père et grand-père, j'ai déjà recommandé à mes filles déjà mamans de regarder tout ou partie des premiers cours, tant les capacités intellectuelles (langage comme calcul) de nos jeunes bambins sont extraordinaires !
Mais celui de cette semaine traitait d'un sujet qui m'est cher, et depuis très longtemps, le sommeil ! Pour parler de façon familière, je "buvais du petit lait" ! Cela fait en effet plus de quarante ans que je mets à profit le sommeil pour retenir, mémoriser de façon durable (attention, je ne dis pas apprendre), des faits ou des choses acquises durant la journée, à commencer par les nombreuses langues étrangères grâce à l'excellente méthode Assimil. Plus récemment, avant de m'endormir, je me suis mis à balayer rapidement les notions, informations, mots peu usuels, etc. acquis au cours de la journée. Ceux-ci se retrouvaient dès le lendemain fixés définitivement dans mon cerveau et je pouvais les "rappeler" à tout moment. Terminons par cette récente constatation. Il n'est pas rare désormais que lors de mon endormissement, puis au cours du sommeil proprement dit, je me mette à composer, rédiger mentalement, avec toute la syntaxe et le vocabulaire, les phrases qui viendront ensuite remplir les pages de mes livres de voyage. Combien de fois n'ai-je pas été surpris, subjugué même, par le fait qu'il suffisait que je me mette durant la journée face à l'écran de mon petit pc, pour voir mes doigts frapper les touches du clavier et le texte se former, s'écrire là, devant mes yeux ébahis.

Pour terminer, mes journées étant également pas mal consacrées à la lecture, cette semaine me révéla deux choses, sans doute un pur concours de circonstances. J'ai débuté en effet un  nouvel ouvrage d'Aristote, intitulé Traité du ciel. Il est du plus étonnant de voir, comme je l'ai déjà écrit dans un précédent billet, combien la pensée de cet homme était en avance sur son temps, et combien la lecture en parallèle des deux livres, celui d'Aristote et celui d'Aurélien Barrau, est troublante.
L'autre ouvrage est la suite du premier, (re)lu avec toujours autant de passion et de bonheur qu'il y a cinquante ans. Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs. Je ne résiste donc pas, pour terminer ce long billet, de reproduire ces quelques lignes absolument magnifiques, trouvant une fois de plus que l'on peut s'intéresser à plusieurs domaines pourtant très variés, de concert, ce qui est une des formidables capacités de notre cerveau d'Homo sapiens sapiens !

(L'auteur, chez les Swann, attendant dans un petit salon pourvu d'une cheminée, l'arrivée de ses hôtes)
"...et recevaient frileusement la chaleur d'un feu incandescent de charbon, précieusement posé derrière une vitrine de cristal, dans une cuve de marbre blanc où il faisait écrouler de temps à autre ses dangereux rubis."

vendredi 6 février 2015

Un mois déjà !

Et même un peu plus ! 

Un blog doit être alimenté et je conviens que le mien ne l'a pas été pendant une longue période.
Hormis les événements tragiques de début janvier, peu propices à s'exprimer, tant d'autres l'ayant abondamment fait, et au sujet desquels je ne saurai convenablement m'exprimer, deux faits majeurs, du moins pour moi, ont ralenti le rythme de production de mes billets, à savoir deux livres.

Le récit de voyage que j'avais écrit suite ma découverte du Turkménistan en avril 2014 a enfin vu le jour et le moins que l'on puisse dire est que sa couverture en a surpris plus d'un ! Mieux, les libraires parisiens qui acceptent de prendre mes livres en dépôt sont restés souvent sans voix face à la surprenante photo pleine page d' Etrange et déconcertant Turkménistan. Davantage lorsque je leur en donnais l'explication.
Le second livre est celui que je suis en train d'écrire et qui relate cet autre voyage, non moins extraordinaire, partagé avec quelques amis à qui j'avais proposé de découvrir, du nord au sud, le Chili, avec une extension pour ceux qui le désiraient vers Rapa Nui, plus connu sous le nom de l'Île de Pâques. Trois semaines incluant le désert aride d'Atacama, la région des lacs et l'île de Chiloé, la plus que troublante Patagonie, à laquelle je ne cesse, aujourd'hui encore, de rêver. Enfin, Santiago et surtout Valparaiso, avec un souvenir ému pour la Isla Negra, la dernière demeure de Pablo Neruda.

Voilà pourquoi le temps me manque ! Cette rédaction m'exalte, comme toujours, et les phrases ne cessent de se construire dans mon esprit, de jour comme de nuit, avant qu'elles ne viennent se matérialiser sur le petit écran de mon ordinateur. Je viens à peine de terminer le long chapitre sur San Pedro de Atacama, c'est dire. Il me reste encore beaucoup de chemin avant d'atteindre les rivages de l'île aux moais... 
Mais j'espère que d'ici là, j'aurais eu le plaisir de revenir ici même pour un nouveau billet dont le thème m'est pour l'heure totalement inconnu.
Mais, comme l'écrivait jadis André Maurois (qui en fit également le titre d'un recueil de nouvelles), Toujours l'inattendu arrive


samedi 3 janvier 2015

"À l'homme qui aimait les femmes"....

... mai aussi le cinéma.
Lorsque fleurirent il y a quelques mois aux portes des boutiques parisiennes mais aussi, en plus grande taille, sur les kiosques à journaux de la capitale, les affiches annonçant l'exposition sur François Truffaut à la Cinémathèque française, je souris aussitôt, mais n'envisageai pourtant pas de m'y rendre.

Ma rencontre avec le cinéaste remontre à très tôt, à mes années de lycée. Je tombai aussitôt sous le charme de ses films qui me firent vibrer intérieurement, me troublant profondément tant je trouvais de coïncidences entre les pensées, sentiments, désirs, penchants littéraires du jeune metteur en scène et les miens. Le fait qu'il ait vécu dans le même quartier que celui de mon enfance et de ma jeunesse (le IXème arrondissement ;  ah ! ce fameux Gaumont Palace, place de Clichy ), qu'il y ait tourné de nombreux films augmenta même cette sorte de complicité (certes à sens unique).
Je pense avoir vu aujourd'hui la quasi totalité de ses films, et certains, comme La nuit américaine plus d'une dizaine de fois. J'évitai cependant ceux plus tristes, plus graves et tragiques, voire angoissants, car s'approchant trop de la mort, comme L'amour en fuite, La chambre verte ou La femme d'à côté. Curieusement je fus moins sensible au Dernier métro, pourtant auréolé de gloire. J'adorai, on s'en doute, Fahrenheit 451 ainsi que celui qui fait le titre de ce billet.
Dans mes bibliothèques il y a au bas mot plus de dix ouvrages de lui, dont celui sur Hitchcock, celui de sa Correspondance. Mais également sur lui, ses films, livres souvent offerts par mes filles ou des proches qui connaissaient ma passion illimitée pour Truffaut. Et quand on arpente le couloir de mon appartement, on peut y découvrir d'un mur à l'autre des images de lui et de son double, Antoine Doinel, alias Jean-Pierre Léaud. Enfin, on sourira en apprenant que ma dernière fille s'appelle Laura...
.
Oui, François Truffaut a fait partie de ma vie intime des années durant, au point de devenir une sorte de démiurge. Il m'a fasciné, et me fascine encore, m'a souvent profondément troublé au point qu'aujourd'hui, plus de trente ans après sa mort, la même année que Michel Foucault, j'appréhende de voir certains de ses films, d'écouter les musiques composées par George Delerue, Maurice Jaubert, Bernard Hermann (qui fut aussi le compositeur de nombreux films de Hitch). Une intense nostalgie m'envahit alors, peut-être le souvenir d'années de jeunesse révolues, la peur aussi d'être saisi par une émotion trop forte en revoyant des images puissantes, magnifiques, idéalisées.
Voilà pourquoi j'avais décidé de ne pas visiter cette exposition.

Ma fille aînée m'en parla la première, me poussant à m'y rendre, mais comprit mes réticences. Un peu plus tard, sa soeur cadette, qui avait baigné durant son enfance dans ces tourbillons truffaldiens au point d'avoir choisi le thème principal de La nuit américaine pour son mariage, sortant de l'exposition, m'engagea plus fermement à m'y rendre. Ce que je fis, en définitive, craignant de regretter plus tard de ne point y être allé.
Oui, je le reconnais, cette exposition est magnifique et mérite absolument d'être vue. Pourtant, ce que j'avais crains s'est réalisé ! La nostalgie ressentie fut si forte, l'émotion si grande que, dès l'entrée dans la première salle, je ne pus retenir mes larmes. Tout au long de ma visite, où je retrouvai cette complicité avec le cinéaste, les yeux embués mais qui me permettaient malgré tout de reconnaître les classiques Garnier de ma jeunesse (Balzac !!) et de re-découvir, mais en vrai cette fois, les nombreuses missives, plans de travail, brouillons pour des projets de titres, etc. que j'avais déjà vus au travers des livres bien rangés dans mes rayonnages, j'avançai d'un pas mesuré, les yeux souvent baissés, sauf pour regarder sur les murs des extraits de films, un mouchoir à la main...

François Truffaut, cet homme qui aimait les femmes, cet homme qui fit dire à Charles Denner dans le film éponyme cette phrase sublime et que j'aimerai mettre un jour en exergue d'un de mes livres :
"Les jambes des femmes sont comme des compas qui arpentent le globe terrestre en tout sens, lui donnant son équilibre et son harmonie".



lundi 8 décembre 2014

Addendum au billet précédent

Addendum, ou le heureux hasard des lectures conjointes.

Au cours de mon voyage au Chili, j'ai eu l'occasion de visiter, non loin de Valparaiso, une des plus belles maisons, située en bord de mer, de l'écrivain chilien Pablo Neruda, prix Nobel de littérature en 1971, la Isla Negra. Je fus aussitôt saisi par le charme étrange de cette habitation, mi demeure, mi bateau, emplie d'objets hétéroclites que le poète avait ramené des endroits les plus divers. Le texte de l'audioguide qui m'avait été remis attira mon attention presque instantanément par sa qualité, ce qui n'est guère le cas en général. Je suivis pas à pas les différentes descriptions des pièces et progressivement s'installa en moi une curieuse sensation, comme si le propriétaire des lieux, dont on avait rapporté puis mis les cendres dans la jolie tombe face au Pacifique, m'interpellait directement et personnellement au travers de mes pas silencieux et des objets qu'il offrait à mes regards curieux et admiratifs.

Depuis le début du voyage, je n'avais cessé de m'interroger sur le plan, la charpente comme j'aime ainsi à l'appeler, que je comptais adopter pour le livre que j'envisageais d'écrire suite à ce voyage. Il se devait d'être différent des précédents, d'abord parce que les pays décrits dans mes autres récits étaient différents, mais aussi parce que je désirais marquer une rupture, les deux continents, leurs populations, leurs coutumes, leurs histoires n'ayant rien en commun. J'arrivais bientôt au terme de ce long voyage, et je n'avais toujours aucune inspiration.

Soudain, dans l'une des dernières pièces que je visitai, écoutant presque religieusement le commentaire en français de l'audioguide, j'eus une révélation. En fait, ce fut lui, le poète, qui me la délivra, me l'offrit comme un présent suite à ma visite muette mais dont les accents, les chants intérieurs, exaltés, devaient être perceptibles à travers le temps. Je me souviens même avoir dit presque à haute voix " Oui, c'est cela, oui, c'est clair, je l'ai trouvée ma charpente, cette idée originale qui fera que mon livre sera différent !" Et, tout de go, je remerciais le grand poète dont je n'avais encore lu aucun des livres.


Ce matin, dans le métro parisien, je poursuivais la lecture de l'autobiographie de Pablo Neruda que je m'étais promis de me procurer dès mon retour en France, J'avoue que j'ai vécu. J'en étais déjà rendu au tiers du livre en quelques jours, tant le récit de ses pérégrinations à travers le monde (dont je connaissais pas mal des pays qu'il avait traversés) me captivait. Et je tombais sur ce commentaire à propos de Marcel Proust, plus précisément Du côté de chez Swann. Je venais de lire la veille ou l'avant-veille le texte dont il parlait et   relevais ces deux extraits que je trouvais tellement en phase avec les propos tenus dans le billet précédent :
"Du côte de chez Swann me fit revivre les tourments, les amours et les jalousies de mon adolescence. Et je compris que dans cette phrase de la sonate de Vinteuil, phrase musicale que Proust qualifie d'aérienne et odorante, non seulement on savoure la description la plus exquise du son passionnant mais aussi une mesure désespérée de la passion". 
Puis quelques lignes plus bas, encore plus étonnant :
"L'attrait que j'avais éprouvé n'avait été que littéraire. Proust, le plus grand poète du réel, dans sa chronique lucide d'une société à l'agonie qu'il avait aimée et détestée...".

Il ne m'en fallait pas davantage pour entendre l'écho, celui que le poète endormi pour l'éternité dans ce pays qui m'avait tant fasciné, me renvoyait par delà les ans. Ce ne pouvait être un pur hasard. Le Chili de Neruda, mais aussi de Coloane, et d'autres à venir sans doute, était définitivement entré au panthéon de mes pays favoris, à ce jour d'Asie centrale pour la plupart, et lui aussi ne me laissait pas indemne.